La maladie d’Alzheimer est une dégénérescence progressive et générale du cerveau. Dans la connaissance actuelle de notre « science », sa fréquence augmente avec l’âge. Mais rappelons-nous, nos scientifiques disaient déjà la même chose en ce qui concerne le cancer, par exemple, il y a une trentaine d’années. Cette dégénérescence se traduit par un affaiblissement, voire une disparition des facultés mentales de la personne. En tout cas, la connaissance que nous en avons, nous permet de savoir qu’elle touche aux facultés conscientes de l’individu. Pour ce qui concerne ses facultés inconscientes, nous n’en savons rien. Les travaux de C.G.Jung sur les archétypes semblent montrer qu’en dehors de la conscience de veille, l’inconscient, l’ombre, existe par elle-même. Elle sent et comprend. Elle s’enrichit des pensées qui lui sont extérieures. Elle intègre les données environnementales. Le désordre qui émerge dans les manifestations conscientes n’est peut-être pas un désordre de structure mais sans doute un désordre d’expression du malade ou une méconnaissance du code pour ceux qui sont en relation avec le malade.
Cette terrible maladie possède deux volets bien distincts. Le premier de ces volets concerne la personne touchée et le second, ses proches. En ce qui concerne la personne elle-même, le sens associable à cette pathologie est très globalement un sens de mort consciente. Petit à petit, la conscience se débraye. La perception consciente du réel se trouve, pour des laps de temps plus ou moins grands, dégradée, voire coupée. Nous trouvons là l’effet commun à beaucoup de pathologies mentales, dont l’un des buts est la déconnexion avec le réel. Cependant, à la différence majeure de la folie, qui fait délirer et parfois être violent, la maladie d’Alzheimer est toujours calme et les plus ou moins rares retours à la conscience, ne sont « habillés » que de « bons » souvenirs.
La personne touchée par « Alzheimer » est sans doute quelqu’un qui ne peut plus gérer l’extérieur. Elle coupe sa relation au monde comme un dépressif cherche à le faire en prenant des médicaments chimiques destinés à lui éviter de percevoir un monde qui lui est trop difficile. L’accumulation de difficultés, une pression psychologique excessive de l’entourage, un conjoint trop directif, présent ou dictatorial, un épuisement après une vie active « sur active » au cours de laquelle la personne a tout géré, dirigé, décidé,… voilà autant de sources potentielles pour une recherche de protection voire de fuite dans une pathologie comme la maladie d’Alzheimer. Le fait que cette maladie débraye le conscient, montre en plus que la recherche de solution est définitive puisqu’ainsi, les « autres » n’ont plus aucune prise sur le malade. Ses moments de conscience ne portent pas la mémoire des « parenthèses » d’inconscience ou de motricité défaillante. L’intérêt médicamenteux n’est aujourd’hui réel que pour les proches, en leur permettant de mieux gérer ce que la maladie engendre et représente pour eux.
C’est ici que nous touchons au deuxième volet « d’Alzheimer ». En effet, comme de nombreuses maladies mentales, elle parle aussi, et sans doute surtout, à ceux qui entourent le malade. Quelle souffrance effectivement de voir ainsi au jour le jour, un proche se dégrader et perdre jusqu’au sens de soi. La leçon est dure. Sans doute nous enseigne-t-elle le non-attachement, sans doute nous incite-t-elle à réfléchir au côté vain de la volonté et de la recherche absolue de maîtrise du monde matériel et manifesté. La souffrance est la même que dans le cas d’un handicap, avec le poids supplémentaire d’avoir connu « l’autre » sain. Quelle dure école d’amour inconditionnel, de détachement et d’acceptation ! Le malade le sent-il ? Nous observe-t-il, en dehors de son conscient ? Sent-il notre souffrance, notre désespoir ou notre rancœur à son égard ? Soyons clairs avec nous-mêmes et avec lui, car nous ne le savons pas. Nombreuses sont les personnes, revenues de comas dépassés, par exemple, qui ont pu rapporter ce que les gens qui les entouraient ont dit ou ressenti autour d’eux.